Chairbleue ©





CHEZ LES GENS


A travers mes pérégrinations professionnelles, je suis rentré « chez les gens ».

Je suis un homme du bâtiment. Je suis mandaté pour faire un état des lieux de l’habitat collectif pour apporter à ces ensembles immobiliers et à leurs habitants, des solutions techniques de rénovation thermique et énergétique.

Accompagner les occupants dans des solutions novatrices respectueuses des enjeux actuels est souvent en total décalage avec leur quotidien.

De prime abord, malgré leur accueil confiant et bienveillant, ces personnes m’ouvraient souvent, à leur insu, la porte d’une capsule temporelle au pays des ringards.

Ces intérieurs authentiques sont le reflet des modes dont on ne parle plus et d’un monde qu’on ne veut plus voir.

« Chez les gens », est un assemblage de photos de rues d’intérieurs sédimentés formés par des multivers aux couches affaissées les unes sur les autres.
En l’absence de regards ou de mouvement des corps, ce mélange raconte autrement la vie, l’intimité de ces « gens » qui nous entourent.

Avec du temps, notre vision change sur le drame social silencieux qui se joue chez les gens. Parfois, ils ne pourront plus vivre dans ce qui a été leur logement depuis toujours, n’aurons plus les moyens de l’ambition collective qui ne veut pas les prendre en compte. On expulsera encore un peu plus loin en marge cette population qui aura du mal à s’adapter aux contraintes qui vont s’imposer à eux, à leur habitat, à leur cocon. 

Cocon ? Seulement ?

En fait, « Chez les gens », c’est aussi le récit et la documentation de paysages en train de se décomposer, de salles d’attentes résignées dans leurs couleurs délavées.

Quant aux habitants, ils n’ont plus de raison pour ne pas se livrer. Leur attachement à la vie est incarné dans ces lieux où tout était devant eux, à construire. On y identifie tous les bons moments passés, mais on peine à y discerner un avenir, un devenir.

Ils attendent.